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Mélenchon fait sa révolution
27/01/2010 14:58
L’amour de la Patrie républicaine au centre
par David Desgouilles
Il faudrait élever une statue à David Abiker. Son émission, une des seules où on laisse l’invité s’exprimer mais où on revient ensuite à la charge lorsqu’il n’a pas répondu, permet de grands moments. Diffusée le samedi matin à la radio sur France-info, les plus pressés peuvent la voir dès le vendredi soir en vidéo sur la chaîne Dailymotion de la station. Et, hier soir, on a pu assister à une formidable prestation de Jean-Luc Mélenchon.
J’aime bien Mélenchon. Surtout depuis qu’il avait été l’un des plus talentueux avocats du Non au référendum sur la constitution européenne. Sur l’analyse de la mondialisation, sur la complicité des institutions européennes, je partage ses convictions. Il est aussi, chose rare, l’un des seuls hommes politiques à avoir avoué sans fard s’être trompé sur Maastricht. Il avait cru sincèrement que l’Europe fédérale pouvait être un levier pour la justice sociale, que l’universalisme français pouvait imprégner l’Europe toute entière. Se sentant floué et coupable, il s’est avéré d’autant plus efficace depuis 2005 pour démonter la supercherie. Sur l’Ecole aussi, il a su, souvenons-nous, remettre en cause les dogmes de la gauche officielle en remettant en cause le collège unique.
Mais il y avait quelque chose qui me gênait chez lui. Je lui ai même écrit un jour. C’était son sectarisme, à moins que cela n’ait été une volonté tactique de se montrer davantage sectaire qu’il ne l’était pour fixer, grâce à une image, un électorat radical. Ainsi, avons-nous pu avoir l’impression qu’il se boucherait le nez en voyant des “hommes de droite” lui donner raison, ce qui n’est guère agréable. Mais hier soir, cette impression s’est fort bien dissipée.
D’abord, il a qualifié la rubrique internationale du Figaro de “meilleure de tout le pays” ce qui peut paraître anodin mais qui est loin de l’être. Le journal de Dassault fut couronné, pour une part, alors que les chaînes du service public, Madame Chabot mais surtout les antennes régionales de France 3, ont été, lors de la même émission, rhabillés pour les trois prochains hivers ! Nous avons changé d’époque ; non seulement Mélenchon s’en est aperçu mais il ne l’envoie pas dire.
Ensuite et surtout, il a eu, pour la première fois, des mots plutôt élogieux en direction de Nicolas Dupont-Aignan. Alors que c’était le moment pour David Abiker de relayer des questions d’internautes, l’un de ces derniers lui demandait de qui, entre le président de Debout la République et Dominique Strauss-Kahn, il se sentait le plus proche. Après avoir tenté d’esquiver et alors que David Abiker insistait, il eut ses mots, rafraîchissants entre tous :“Pour parler de la République et de l’amour de notre Patrie Républicaine, (je suis) plus proche de Dupont-Aignan que de Strauss-Kahn qui a une notion de la Patrie très relative surtout depuis qu’il est directeur du FMI et que son rôle consiste à affamer les peuples”.
Il ne faut pas se le cacher, pour Mélenchon, c’est une révolution. Non seulement, beaucoup de ses militants ne comprendront pas cette phrase et certains, même, lui reprocheront amèrement. Mais en avouant une plus grande proximité avec un homme classé à droite sur les bases de l’amour de la Patrie Républicaine, il change de statut. Il se place en Homme de la Nation, un peu comme Jean-Pierre Chevènement en septembre 2001. A petits pas, certes, mais sûrement. Même si on faisait abstraction de la réponse à cette question en fin d’émission, Mélenchon donnait hier soir cette impression de dépasser largement cuisine électorale, carrière et contingences partisanes, et de se consacrer à l’Essentiel. Ainsi, on le croit sincère lorsqu’il ne se dit pas déçu de laisser à un autre le soin de mener la liste francilienne aux élections régionales alors qu’il était candidat à cette mission. Il est au dessus de tout cela. Ce qui l’intéresse désormais, c’est de servir non un parti mais sa Patrie, terme qu’il a utilisé plusieurs fois. Il pense sans doute à l’élection présidentielle. Mais s’il y va, ce sera pour la gagner, pas pour témoigner.
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